La Presse
Auteur de l’article: Laila Maalouf
Publié le 7 avril 2023
Photos: Ron Gesser
Quand photographie rime avec aventure
Voyager, c’est comme rouler sur une route de montagne. Mais parmi les hauts et les bas, il restera toujours ces souvenirs indélébiles qu’on emporte avec soi toute sa vie. La Presse raconte les aventures, petites ou grandes, de voyageurs qui n’ont pas froid aux yeux. Aujourd’hui : un couple à la recherche de destinations reculées où peu de touristes ont déjà mis les pieds avant eux.
Il y a une espèce de buzz à aller dans des endroits où l’on se sent complètement dépaysé, estime Ron Gesser. « Bien sûr qu’il y a un buzz, renchérit sa conjointe, Sharleen Young. C’est de l’adrénaline ! »
De concert, ils s’accordent d’une même voix sur un mot : « excitant ». Car chacun de leurs voyages, depuis les 15 dernières années, est une aventure en soi. Une quête où le mot « évasion » prend tout son sens. Des lieux, des scènes, des visages que Ron Gesser, photographe amateur, immortalise avec son objectif.
Coup de chance
Le 10 janvier dernier, ils étaient au Bénin, où l’on célébrait, partout au pays, la fête nationale du vaudou. Cette fois-ci, coup de chance : une nièce de Ron Gesser a pu les mettre en contact avec un fixeur avec qui elle avait collaboré pour réaliser un documentaire.
« Notre guide nous a pris dans de petits villages où on était les seuls visiteurs. On a pu voir des rituels de sacrifice et de scarification faciale, des personnes entrer en transe…» Sharleen Young
« C’était un honneur et un privilège de pouvoir se promener dans leurs villages, d’être avec eux, de voir comment ils vivent et d’assister à leurs cérémonies », ajoute-t-elle.
Pourtant, il est déjà arrivé que leur présence — et surtout celle de l’appareil photo —, dans des endroits qui n’ont pas vu passer beaucoup d’étrangers, attire les regards suspicieux. Tous deux se rappellent ce voyage en Éthiopie où, après de longues heures de route avec leur guide, suivies d’une courte nuit dans un campement au milieu de nulle part sous la surveillance d’un garde armé, ils se sont rendus dans une tribu où ils ont été accueillis avec une certaine méfiance par les hommes du village.
« C’était épeurant parce qu’ils avaient des armes — je ne l’ai pas dit à ma mère avant d’être de retour à la maison ! », se souvient Sharleen Young. « Il y avait quelques hommes qui se demandaient ce qu’on faisait là, mais les jeunes et les enfants, eux, étaient amicaux et riaient », tempère de son côté Ron Gesser.
La naissance d’une passion
Ron Gesser avait 11 ans lorsqu’il a eu la chance de s’initier au voyage en compagnie de son père, muni de son premier appareil photo. « Pendant deux étés, on est allés en Israël, puis à Londres, Paris, Athènes, Copenhague. » Mais c’est à 50 ans, après avoir vu un documentaire sur le Machu Picchu, qu’il a eu l’envie de faire un voyage « différent » au Pérou. Il s’est donc offert un appareil photo numérique — sans se douter que ce serait le début d’une longue série de pérégrinations avec sa femme qui lui permettraient de cultiver sa passion de la photo.
Depuis ce voyage de groupe organisé, Ron Gesser a toutefois pris en charge la planification de leurs projets : Argentine, Cambodge, Viêtnam, Birmanie (Myanmar), Inde — pays qu’ils ont visité quatre fois. C’est d’ailleurs là que Ron Gesser a tiré le portrait d’une femme âgée de la tribu Kutia Kondh qui lui a valu de se classer tout récemment parmi les 10 finalistes de la Coupe du monde de la photographie.
« Ron a commencé à faire des recherches approfondies sur chaque destination, à chercher les endroits où la plupart des gens vont — et ceux où un peu moins de gens se rendent, pour être sûr qu’on aille un peu plus loin dans le pays », raconte Sharleen Young.
« Et s’il y a un festival particulier ou quelque chose d’intéressant qui se passe aux dates de notre séjour, on construit notre voyage autour de ça ». Sharleen Young
L’avantage de faire appel aux services d’un guide local qui peut aussi leur servir de chauffeur, note Ron Gesser, c’est de pouvoir construire leur propre itinéraire, en plus d’avoir la liberté de changer leurs plans à la dernière minute et de pouvoir s’arrêter quand bon leur semble.
Si leur prochaine destination demeure inconnue à ce jour, tous deux retourneraient volontiers en Inde, un pays qui les a séduits et dont il leur reste encore tant à découvrir. Il y a la Thaïlande, aussi, dont ils ne connaissent que Bangkok ; mais le pays ne possède plus tant de lieux reculés et relativement préservés des touristes à explorer, songent-ils, sceptiques. Une chose est sûre, cependant, peu importe où ils iront, le dépaysement devra être au rendez-vous.
“Il y a une espèce de buzz à aller dans des endroits où l’on se sent complètement dépaysé”
2023 6e Place – Portrait Naturel
En visitant un petit village de Kutia Kondh dans le centre d’Odisha, en Inde, je suis tombé sur une femme âgée assise sur un banc. Il était évident, d’après l’émotion profonde dans ses yeux et les lignes de son visage, qu’elle avait vécu une longue et difficile vie. Cette photo a atteint mon objectif de capturer l’expression brute d’un sujet et regarder dans ses yeux d’une manière naturelle et authentique.
Les Kutia Kondh sont l’un des 75 groupes tribaux particulièrement vulnérables énumérés dans la constitution indienne, qui sont des peuples autochtones dont le mode de vie est en danger. Les Kutia sont animistes, et les femmes ont traditionnellement un tatouage facial géométrique commun qui sert de marque d’identification pour les mondes vivants et spirituels.